Amy Van Hossen: Chapitre quatrième

   J'ouvre la porte de la salle des professeurs et passe ma tête dans la pièce pour tenter d’apercevoir ma mère. Un vieil home me demande si j'ai besoin de quelque chose, je lui répond donc que je cherche le professeur Van Hossen, après tout ils ne sont pas tous obligés de savoir qu'elle est ma mère. Il m'indique un groupe de personne près d'une imprimante, ils discutent entre eux, je distingue enfin ma mère parmi les gens du groupe, elle ne m'a pas encore remarqué. J'entre dans la salle et me dirige d'un pas prudent vers elle et ses collègues. Elle me voit enfin et me fait un grand sourire. Elle s'excuse auprès de ses collègues avant de venir vers moi, elle me prend dans ses bras. Devant tout le monde... Les regards sont posés sur moi, ils n'ont pas l'air de comprendre, ma mère s'en aperçoit.

       - C'est ma fille désolée vous savez ce que c'est, impossible de résister, dit elle en riant.

Ils paraissent tous soulagés. Ils croyaient quoi ? Ma mère reporte son attention sur moi.

       - Alors ? Ça va ? Personne ne t'embête ?

       - Oui ça va, non évidemment que non tu me connais, dis-je avec un clin d’œil.

       - Bon, alors tu n'as tué personne j'espère ?? dit elle faussement inquiète.

       - Maman...

       - Ok ok ! Alors comment ça se passe ?

       - Bien ça va.

       - Tu n'es pas sensée être en cours actuellement ?

       - Bah normalement si, on devrait avoir sport mais vu que personne n'a ses affaires ils ont décidé qu'on pouvait partir.

       - Oh d'accord, donc là tu as fini ?

       - Oui !

Je lui fais un sourire qui voulait tout dire.

       - Bon... j'ai encore une heure et on rentre, okay ?

       - Oui, en attendant je vais aller faire une petite visite des lieux et tenter de trouver la bibliothèque, dis-je en souriant.

       - Bonne idée ma puce.

Elle me fait un bisou sur le front et me regarde tendrement.

       - A tout à l'heure ma chérie, me dit elle

       - A tout à l'heure maman.

  Je sors de la salle des profs et referme la porte derrière moi en jetant un dernier sourire à ma mère. Je me dirige vers l'accueil du bâtiment principal et entre dans la cour intérieure. J'inspire profondément l'air encore doux de la fin de l'été. Mon esprit se vide un instant et mes pensées divaguent sur mes sensations corporelles, la douce brise caresse ma peau et les odeurs de saisons envahissent mes narines. J'ouvre les yeux après quelques minutes. Je regarde autour de moi, la cour est déserte. Je cherche du regard une direction logique pour la bibliothèque, je dirige alors vers une large porte qui ouvre sur un long couloir. Je m'avance dans celui-ci, inspectant toutes les portes, j'aperçois enfin une porte à double battant surplombée d'une plaque avec inscrit bibliothèque en lettres argentées.

  Je pousse un des deux battants et entre dans la bibliothèque. La salle est immense, des multitudes d'étagères en bois, remplis de livres, créée un gigantesque labyrinthe de la connaissance. Des tables rectangulaires sont disposées à des endroits stratégiques de la salle afin que tout les étudiants puissent travailler dans le calme. En ce premier jour de classe, la salle est presque vide, quelques élèves sont encore là, essayant d'assouvir leur soif de savoir ou encore pour atténuer leur ennuie. Je m'avance dans une des allées. Quel roman vais-je dévorer cette semaine ? Je parcours les étagères une à une à la recherche d'un titre qui attirerait ma curiosité. Plongée dans mes recherches, je ne me rend pas compte qu'une personne me suit et m'observe depuis tout à l'heure. Mes yeux se posent enfin sur un livre dont le titre me pousse à en prendre possession.

       - Je l'ai lu celui là, il est bien. 

Je sursaute à l'entente soudaine de cette voix et me retourne vivement pour faire face à la personne.

  Une jeune fille aux cheveux châtain clairs, qui m'est étrangement familière... Ses cheveux ondulés et ses courbes fines me rappellent soudain que cette fille est dans ma classe. Pire, que c'est cette fille que j'ai observé durant dix bonnes minutes en cours d'Anglais tout à l'heure. Elle me regarde amusée.

       - Je t'ai fait peur ? Me demande-t-elle avec un petit sourire.

       - Heu oui, je m'attendais pas du tout à ce que quelqu'un vienne me voir et je pensais vraiment être seule.

       - Je m'excuse alors, je voulais pas te faire peur. Vraiment.

       - Ça va, ne t'inquiète pas je vais m'en remettre, répondis-je avec un petit rire.

       - Tant mieux.

Elle me fait un clin d’œil puis reporte son attention sur le livre que j'avais choisis.

       - Donc je disais il est bien, elle me sourit.

       - Ah ? Bah je pense que je vais le prendre alors.

       - Bonne idée, tu me dira ce que tu en as pensé quand tu l'aura fini.

       - Avec plaisir, dis-je en souriant.

  Elle m'accompagne jusqu'à l'accueil de la bibliothèque pour que je puisse l'emprunter. La bibliothécaire lève les yeux vers moi, son nez est surplombé d'une petite paire de lunettes. Elle me regarde, ou plutôt me fixe. Puis ose enfin me parler :

       - Votre nom jeune fille ? Demande-t-elle froidement.

       - Oh oui, désolée. Amy Van Hossen, répondis-je timidement.

       - Bien.

Elle prend mon livre des mains, l'enregistre dans l'ordinateur en face d'elle et me le tend.

       - Retour dans deux semaines.

       - Bi-bien...

  Son ton froid me déstabilise. Ce que les gens peuvent être antipathiques... Je prend mon livre et rejoins la fille de tout à l'heure qui s'était un peu écartée quand la femme m'avait tendu mon livre. Je suis pas la seule à ne pas aprrécier cette femme à première vu.

       - Pas sympas hein ? Me dit elle moqueuse.

       - Ouais... flippante même...

       - Si tu aimes lire tu aura pas vraiment le choix de la voir.

       - Te moque pas de moi...

       - Aller viens on va s'asseoir plus loin pour parler sans qu'elle s'en rende compte.

       - Je te suis.

  On se dirige vers le fond de la bibliothèque, elle s'assoit à une table et je fais pareil, m'installant en face d'elle. Je range mon livre dans mon sac. Elle me regarde faire avant d'ouvrir la bouche et de dire :

       - Alors tu t'appelles Amy ?

       - Oui exactement, dis-je en lui faisant un clin d’œil.

Elle me tend sa main pour que je la prenne.

       - Moi c'est Emma. Emma Leroy. On est dans la même classe.

       - Oui je sais, enchantée, dis-je en prenant sa main et en lui faisant un léger sourire.

       - Ah ? Tu sais ?

Elle paraît étonnée de cette révélation. Un léger sourire se dessine au coin de ses lévres.

       - Heu oui je t'ai... aperçu en anglais. Le ton de ma voix est incertain.

       - Oh ? Vraiment ?

       - Oui.

  Je lui fais alors un grand sourire. On se met à parler de tout et de rien, rigolant sur des anecdotes de temps en temps. Je m'entend rapidement bien avec elle. On s'échange alors rapidement nos numéros. Son visage doux me met en confiance. J’apprends d'elle qu'elle aime sortir et qu'elle fait de la danse. C'est quelqu'un d'assez franc et aussi très moqueuse, mais ça ne me dérange pas, au contraire, je préfère qu'elle soit comme ça plutôt qu'hypocrite. L'heure passe vite, on décide de sortir enfin de la bibliothèque. On arrive donc rapidement dans la cour intérieure. Et on s'installe sur un banc. J’attends un message de ma mère, pour savoir quand elle aura finit. Emma me raconte qu'elle a toujours vécu dans cette ville depuis qu'elle a 5 ans. Elle doit du coup sûrement avoir plein d'amis ici. J’aperçois au loin, une silhouette qui m'est familière. Je distingue rapidement le corps gracieux d'Elysa. Elle me regarde. Je parviens pas à voir les traits de son visages à ce moment là. Elle tourne les talons et se dirige vers la sortie du lycée. Elle me filera pas entre les doigts, pas encore une fois ! Oh que non ! Je m'excuse rapidement envers Emma, lui expliquant que j'avais un truc urgent à faire. Puis me lève et cours après Elysa. Je passe l'accueil rapidement et sors du lycée. Je l'aperçois enfin de dos, marchant sur la grande allée. Je cours vers elle et lui attrape doucement le bras. Elle semble étonnée et se tourne vers moi. Quand elle m'aperçois son regard se voile. Je reprend doucement mon souffle.

       - Amy.

Son ton est un peu trop froid à mon goût...

       - Hey... Ça va ?

       - Oui, pourquoi ça n'irait pas ?

       - Heu...Bah je sais pas... Tu paraît un peu distante.

Mon regard est triste, je comprend pas son changement de comportement depuis cet après midi.

       - Tu es amie avec Emma ? dit elle l'air contrarié.

       - Hein ? Heu oui je crois. Où est le problème?

       - Tu crois ? 

       - Bah on a pas mal parlé et tout, dis-je évasivement.

       - Et tu l'as fixé pendant un moment en cours aussi, ajouta-t-elle froidement.

       - Heu oui... Elle a remarqué... mais il y a un problème avec cette fille ?

       - Non pas du tout, son expression trahit clairement sa vrai pensée. Mais biensur..

       - Alors pourquoi tu changes subitement de comportement depuis...depuis que justement je l'ai regardé en cours ? Je veux dire, cette fille et sympas mais tu reste mon amie aussi... non ?

       - Bien sûr que oui... c'est pas ça... c'est la façon de comment tu la regardais... bref laisse c'est rien c'est moi qui suis stupide. Je sais même pas vraiment pourquoi je réagis comme ça.

Là je dois avouer que je comprend pas tout. Ais-je louper un épisode?? Je lui prends les mains et la regarde intensément pour essayer de la rassurer.

       - Tu n'es pas du tout stupide. Je veux pas que tu penses ça. Et puis cette fille est gentille, je lui ai donné mon numéro, mais...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que ses yeux se voilent de colère. Oups boulette.

       - Tu as quoi ? Tu lui as donné ton numéro ? Comme ça, alors que tu la connais pas ?

       - Elysa s'il te plaît calme toi... Je la connais assez pour lui faire confiance, elle semble...gentille.

       - Elle semble. Retour de la reine des glaces...

       - Tu la connais ?

       - Vaguement.

       - Alors tu ne peux pas juger Elysa... Si elle me cause des problème je ne pourrai m'en prendre qu'à moi même.

       - Elle ne t'en causera pas ou je la massacre.

Sa réflexion me fait sourire. Je lève un sourcil et la toise de haut en bas.

       - D'accord tu la massacres, dis-je en riant.

       - Je ne lui fais pas confiance moi.

       - Alors fais moi confiance.

       - A toi oui, c'est pas la question.

       - Il faut bien que je me fasse d'autres amis non ?

       - Mais...

       - Tu restera m'a préféré !

Je lui fais un clin d’œil. Elle paraît se détendre enfin. J'ai pas mentis, après tout j'ai vraiment une forte connection avec cette fille.

       - Ne m'ignore plus comme ça, ça fait mal... dis-je un peu tristement.

       - Désolée, je sais vraiment pas ce qui m'a prit...

       - Je te pardonne alors !

       - Merci j'en suis honorée ! Elle me sourit.

Mon téléphone vibre, signe que je viens de recevoir un sms. Je sors mon portable de ma poche et le déverrouille pour lire le texto.

       - Un message d'Emma ?

Son ton est redevenu soudainement froid.

       - Elysa...Non de ma mère, répondis-je desespérée.

       - Ah, souffla-t-elle soulagée.

       - Déstresse Elysa, dis-je en rigolant.

       - Moui...

       - Elle me dit qu'elle est en salle des profs et qu'elle va pas tarder.

       - En salle des profs ??

Sa question me fait prendre conscience que je ne l'avais dis à personne encore. Même si, à la base, je ne comptais pas le dire.

       - Ah...Oui ma mère est professeur de géographie.

       - D'accord je savais pas.

       - Normal je l'ai dis à personne, dis-je en souriant.

       - Oh donc je suis la première, c'est un honneur !

Son rire cristallin me fait frissonner...et son sourire m'éblouit à chaque fois. Elle en fin retrouvé son humour pas trop tôt!

      - Faut croire que je te fais assez confiance, répondis-je en lui faisant un clin d’œil pour la taquiner.

      - J'espère bien !

      - Évidemment ! Tu es si adorable ! Je lui fais un clin d'oeil. 

  Je la prend dans mes bras pour souligner mes dires. Son corps se tend soudain à mon étreinte. Son odeur envahit mon nez d'une délicate douceur. Dieu...Je pourrai rester comme cela pendant des heures.. Elle se détend enfin et m’entoure de ses bras. Elle me serre tendrement et pose sa tête contre mon épaule. Aucune de nous deux ne parle. Le silence et ce contact semble nous convenir à toute les deux. Une voiture klaxonne, je m'écarte alors brusquement d'Elysa, un peu trop vite à mon goût. Je tourne la tête vers l'origine du bruit, je vois ma mère me faire de grands gestes depuis l’intérieur de sa voiture. Nous a-t-elle vu ? Pourquoi je m'inquiète... On ne faisait rien de bizarre. Si ? Je regarde Elysa. Elle avait tourné la tête pour regarder elle aussi d'où venait le son. Sentant mon regard sur elle, elle reporte son attention sur moi. Il y a comme une lueur de déception dans son regard.

       - Tu dois partir c'est ça ? Me lance-t-elle une pointe de tristesse dans sa voix.

       - Oui désolée, c'est ma mère, dis-je pour me justifier.

       - T'inquiète pas je comprend hein. On se voit demain de toute manière.

       - Oui et puis maintenant tu as mon numéro alors si tu as un problème tu as juste à m'envoyer un message.

A ces mots le visage d'Elysa s'illumina, elle me fait un grand sourire, une pointe de malice dans ses yeux. Elle me dit d'une voix suave :

       - Je vais pouvoir te harceler de messages !

       - Ça me dérange pas vraiment à condition que ça reste raisonnable, lui dis-je dans un clin d’œil.

       - Bien sûre !

  Un second coup de klaxonne retentit. Ce que ma mère peut être patiente parfois !! Je regarde Elysa, elle hausse les épaules me faisant comprendre que ce n'est pas grave et que je peux y aller. Je la regarde un moment ne sachant pas trop quoi faire. Elle doit comprendre mon trouble puisqu'elle se rapproche timidement de moi et me fait un léger baiser sur la joue avant de s'écarter rapidement comme si elle s'était brûlée, puis elle me murmure un au revoir et s'en va rapidement sans attendre son reste. J'ai alors comme un sentiment « pas assez ». Puis je me dirige vers mon impatiente de mère qui a écourté ce délicieux moment, certes j'aime ma chère mère mais parfois, comme toutes les mamans, elle peut être vraiment contrariante. Et là c'est le cas. C'est donc d'un pas tout de même léger mais une humeur bloquée par l'insuffisance que j'avance vers ma si patiente génitrice.